« La vie, c’est comme une partie de poker : il faut savoir bluffer, relancer, parfois se coucher, mais toujours garder le regard froid. »
Cette phrase pourrait résumer l’univers que Benoît Philippon déploie dans Joueuse, son dernier roman après le succès de Mamie Luger.
On y retrouve la patte de l’auteur : une absence totale de limite, un goût assumé pour les situations extrêmes et des personnages propulsés dans une spirale où l’humour noir rivalise avec la violence brute. Maxine, héroïne de ce récit, incarne cette énergie débordante. Professionnelle du poker, manipulatrice hors pair, elle s’avance dans un monde masculin avec une audace désarmante. Comme dans Mamie Luger, Philippon dessine une femme qui refuse de subir, quitte à franchir toutes les lignes rouges.
À ses côtés, Zack, joueur aussi séduisant que retors, devient tour à tour complice et adversaire. Le couple forme un duo électrique, pris dans un engrenage de bluff et de revanche où chaque décision peut coûter la vie. Philippon excelle dans cet art de tendre le fil toujours plus loin, jusqu’au point de rupture, sans jamais perdre son lecteur.
On croise également des hommes qui rendent eux-mêmes la justice et défendent les femmes victimes de violences, prompts à exploser à la première étincelle, et des enfants – spectateurs innocents – que l’auteur place dans ces zones grises où la violence des adultes devient spectacle involontaire. Ce regard d’enfant accentue encore la cruauté des scènes et rappelle la capacité de Philippon à jouer sur plusieurs registres : le burlesque, le dramatique et le social.
Au fond, Joueuse est une métaphore de ce que fait Philippon avec son lecteur : il nous entraîne à la table, distribue les cartes, brouille les pistes, et ne révèle jamais son jeu avant la dernière ligne. Un roman jubilatoire, à la fois drôle, féroce et d’une énergie contagieuse, où l’on sort essoufflé mais ravi d’avoir suivi la partie jusqu’au bout.