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Le déploiement de la 5G mérite mieux que le débat caricatural que tente d’instaurer Emmanuel Macron entre les tenants du progrès et les « Amish », nous explique le secrétaire national du PS au Numérique, Fabrice de Comarmond. 

Cap Finistère : D’abord, qu’est-ce que la 5G et que peut-elle nous apporter?

Fabrice de Comarmond : Il s’agit de la 5e génération de réseau mobile. Cette technologie associe deux fréquences différentes. Des basses et des très hautes. C’est la 4G mais en plus rapide. Cette technologie permettra l’émergence des smart cities avec des systèmes de vidéos surveillance connectés, des visioconférences, la télémédecine et une multitude d’objets connectés dont les voitures. 

La 5G peut permettre de réels progrès notamment dans le domaine médical avec la télémédecine. Mais il convient, avant d’équiper tout le pays, de bien mesurer toutes les conséquences.

Cap Finistère : Et donc, il faut très rapidement développer la 5G ou revenir à la lampe à huile?
Fabrice de Comarmond : Bien sûr que non. C’est bien plus compliqué et les enjeux sont multiples. Ils touchent à la santé, à la souveraineté des États, à l’aménagement du territoire, aux respects des libertés, à la protection de l’environnement… 

La 5G peut permettre de réels progrès notamment dans le domaine médical avec la télémédecine. Mais il convient, avant d’équiper tout le pays, de bien mesurer toutes les conséquences. D’abord, sur la santé humaine. Les basses fréquences, sauf pour les personnes électrosensibles, ne posent pas de problème. Mais, nous ne pouvons pas être aussi affirmatifs pour les hautes fréquences. L’ANSES le reconnaît elle-même et demande d’approfondir les études. 

Ensuite, la 5G nécessite de plus petites antennes, mais plus nombreuses que la 4G. Aujourd’hui elles émettent en permanence, alors que la 5G ne fonctionnera qu’à la demande. Mais, elles demandent plus d’énergie. Or, on ne sait pas encore si cela suffira à réduire la consommation énergétique globale ou si, au contraire, elle augmentera. 

Nous devons aussi nous poser la question : à qui profitera la 5G? Car, aujourd’hui en France tout le monde ne dispose pas encore de la 4G. Les zones faiblement peuplées n’intéressent pas les opérateurs pour des questions de rentabilité. Or, il y a fort à craindre que les investissements pour le déploiement de la 5G se fassent au détriment des zones qui sont déjà délaissées. Il convient donc, surtout après la période de confinement, de nous poser la question de la fracture numérique qui s’accroît entre celles et ceux qui disposent de bons débits et savent utiliser internet et celles et ceux qui ne maîtrisent pas les outils ou qui ne sont pas connectés. 

Beaucoup de questions liées notamment au respect de la vie privée et au droit à l’anonymat se posent déjà et on dispose de nombreuses études qui démontrent que nous sommes déjà tracés et que nos données sont commercialisées. Cependant, avec une technologie dix fois plus puissante elles vont se poser avec beaucoup plus d’acuité. La 5G permettra le développement de la vidéosurveillance et de la reconnaissance faciale. 

On sent bien que le gouvernement veut aller vite mais compte tenu des répercussions qu’aura la 5G dans la vie quotidienne de chacun, il est indispensable de prendre le temps de bien réfléchir aux conséquences. Aujourd’hui, il faut considérer le déploiement des réseaux numériques sous l’angle de l’aménagement du territoire car ils sont aussi structurants que le furent les autoroutes ou les voies ferrées. 

Cap Finistère : Les enjeux financiers sont considérables.
Fabrice de Comarmond : Pour donner une idée de la puissance des GAFAM, il faut savoir que le budget recherche et développement d’Amazon s’élève à 36 milliards de dollars. C’est à peu près l’équivalent du programme européen Horizon 2020 qui s’étale de 2018 à 2020. Nous n’arrivons toujours pas à faire payer à ces Multinationales le juste impôt dont elles doivent s’acquitter dans les pays où elles réalisent leurs profits. 

Cap Finistère :C’est pour approfondir toutes ces questions que le PS a décidé d’organiser une série d’auditions?

Fabrice de Comarmond : Absolument. Nous voulons d’abord rappeler que nous avons le temps. Si la 5G doit se déployer, ça ne sera pas avant 2023 ce qui nous laisse le temps d’affiner les études et de permettre au maximum de citoyens de s’emparer de ces enjeux qui auront des impacts dans tous les aspects de notre vie quotidienne. Nous allons donc procéder à des auditions d’experts à l’image de ce que nous avons déjà fait pour l’éducation ou l’uberisation du travail. Et nous invitons tous les élu.es, socialistes, maires et parlementaires, à organiser aussi des débats citoyens sur cette question. 

Notre objectif est d’apporter des propositions afin que la technologie soit au service du progrès humain et accessible à tous. 

Article publié dans le n°1325 de Cap Finistère du 25 septembre 2020

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