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« Une société qui ne croit plus à l’éducation est une société condamnée à vivre les pires dystopies ». En clôturant les Journées des territoires d’éducation, les 9 et 10 octobre à Brest, Philippe Meirieu, « grand témoin » de ces rencontres nationales, a livré une synthèse des débats qui ont traversés les ateliers organisés durant ces deux journées et pointé les dilemmes auxquels sont confrontés les acteurs de la communauté éducative que sont les associations d’éducation populaire, les parents d’élèves et les élu-es locaux. Son message a rappelé avec force que l’éducation doit redevenir une priorité politique et collective. 

Organisées par la Ville de Brest, ces deux journées ont réuni élus, enseignants, animateurs, chercheurs et associations autour d’un même objectif : repenser les coopérations éducatives à l’échelle des territoires. « Le rôle du grand témoin, consiste à prendre de la hauteur », expliquait en ouverture Émilie Kuchel, adjointe au maire chargée des politiques éducatives. Mission pleinement remplie par Philippe Meirieu, qui a su faire émerger les grands enjeux communs à l’ensemble des acteurs.

A tout problème politique ou social, il faut aussi chercher une réponse éducative. 

 « On répète souvent que l’éducation est la mère de toutes les batailles », a rappelé Meirieu citant Nelson Mandela qui disait « l’éducation est l’arme la plus importante pour sauver le monde ». « Mais sur le terrain, ce n’est plus la priorité. » Face à la tentation du contrôle et de la répression, alimentée ad nauseam par les médias Bolloré, il a défendu la prévention et la confiance dans l’humain. Pour lui, la réponse aux défis sociaux ne peut être uniquement sécuritaire : « La sanction peut s’avérer nécessaire, mais à tout problème politique ou social, il faut aussi chercher une réponse éducative. »

Face aux réponses binaires, toutes faites, le grand témoin a, à partir des débats en ateliers auxquels il a assisté, défini 5 enjeux fondamentaux auxquels est confrontée la communauté éducative : celui de la cohérence de la démarche éducative, celui de la défense de l’institution contre les logiques individualistes, celui de la prise en compte des aspirations des enfants, celui de l’ouverture au monde pour briser les assignations de toutes sortes, et enfin, celui de la définition d’une autorité, basée sur l’intérêt général et le partage des responsabilités. 

L’émancipation, suppose de permettre à chaque enfant d’explorer au-delà de ce qu’il connaît déjà et de se confronter à la diversité du monde

Le pédagogue a insisté sur la nécessité de placer l’enfant au centre, non comme un objet d’attention mais comme un sujet de droits : « Parce qu’il est inachevé, l’enfant doit être protégé ; mais parce qu’il est complet, il doit être entendu. » L’émancipation, a-t-il expliqué, suppose de permettre à chaque enfant de « faire œuvre de lui-même », d’explorer au-delà de ce qu’il connaît déjà et de se confronter à la diversité du monde. Il convient par conséquent de lui ouvrir des horizons, de lui permettre de découvrir des activités, sportives, culturelles, artistiques dans lesquelles il ou elle pourra s’épanouir. 

Faire ensemble, pour faire société

Pour Philippe Meirieu, l’éducation n’est pas une affaire de spécialistes : elle est une œuvre commune. Enseignants, animateurs, parents, élus : chacun a sa part dans la construction de l’émancipation. « L’école, la famille et les tiers lieux, associations, clubs, structures d’accueil, doivent être différents mais cohérents », a-t-il plaidé, refusant la confusion des rôles tout en appelant à une cohérence éducative. L’enjeu est de créer des espaces où les enfants peuvent « prendre des risques sans se mettre en danger ».

L’institution contre le consumérisme éducatif

Critiquant la transformation progressive de l’éducation en service à la carte, Philippe Meirieu a défendu l’idée d’institution républicaine contre celle de service : « La qualité d’une école ne se mesure pas à la satisfaction des usagers, mais à sa capacité à construire du commun. » Une école, un centre de loisirs, une collectivité éducative doivent être des lieux de mixité, de rencontre, de solidarité, autant de valeurs fragilisées par la montée des replis individualistes.

Former des citoyens, pas des consommateurs

En conclusion, Philippe Meirieu a invité les collectivités à bâtir des « écosystèmes éducatifs » : des ensembles vivants où « tout agit sur tout », où la classe, la famille, la rue et les activités périscolaires participent d’une même ambition : l’émancipation de chacun et la solidarité de tous.

Ces deux journées brestoises ont rappelé qu’au-delà des dispositifs et des moyens, l’éducation est d’abord un projet de société. 

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